Pour le respect du pluralisme d’opinions et d’engagements dans notre université

[ Texte d’interpellation adressé à des professeurs ]

Le 23 avril dernier, 6 étudiant-e-s de Lyon 2 reçoivent en recommandé une convocation en conseil de discipline ayant pour motif « divers troubles portant atteinte à l’ordre et au bon fonctionnement de l’université ».

Le conseil de discipline se déroulera le 9 mai, veille d’examens de fin de semestre et lendemain du second tour des Présidentielles. Les dossiers des 6 étudiant-e-s doivent « passer » dans la matinée, soit une demi-heure par étudiant-e. Ils seront défendus par Maître Frery. 3 d’entre eux-elles sont, par ailleurs, en attente de procès au pénal suite à des activités politiques sur le campus.

Les citations qui suivent sont données à titre informatif, afin de nous permettre d’étayer notre argumentation.

Le glissement …

Les actes d’accusation pour ce conseil de discipline, ainsi que les déclarations publiques de la Présidence universitaire, comportent de façon omniprésente des qualificatifs comme : « tapages réguliers », « ils ont investi un bâtiment administratif d’une manière violente », « les agissements de ces personnes étaient uniquement de la provocation car aucune dégradation n’a été constatée », pour désigner des manifestations revendicatives. Quand le mot manifestation est employé, il s’agit d’une « manifestation contre l’université » : ceci revient à un déni de toute contestation, de tout contre pouvoir revendicatif étudiant réel inscrit dans le cadre universitaire.

Le terme « militant » (politique ou syndical) semble banni, pour être remplacé par des expressions telles que «meneur », personne qui « continue à afficher sur l’ensemble du campus dans un but de défi et d’anarchie », s’agissant notamment de militant-e-s syndicalistes étudiant-e-s.

L’affichage syndical ou militant est perçu et décrit quant à lui comme « sauvage, massif et provocateur » (Mr Chvetzoff).

A ce choix lexical s’ajoute la pratique d’amalgames et de mises en causes spécieuses comme : « X. a été repéré dans le bâtiment filtre sentier ce jour-là [jour d’une manifestation militante à l’université], donnant l’impression à une femme de ménage de faire du repérage », ceci en début d’après-midi. Ou encore, pour parler d’un élu syndical étudiant au Conseil d’administration « entrée en scène d’un individu connu de notre service de sécurité pour avoir été l’auteur de nombreuses dégradations, X. Il prétend avoir les moyens de faire plier l’université et la présidence, arguant du fait qu’il est membre d’une puissante association étudiante ». Faire plier une administration et une présidence, n’est-ce pourtant pas l’une des manières traditionnelles d’envisager l’action syndicale?

Les personnes ainsi mises à l’index ne sont pas décrites comme des usager-e-s de l’université, ou à minima comme des usager-e-s contrevenants, mais comme des provocateurs-trices. Plus encore, l’ensemble des amalgames et expressions employés converge vers une présentation de l’engagement étudiant comme étant de l’ordre de la délinquance. Pourquoi les 6 personnes passant en conseil de discipline sont-elles précisément parmi celles qui s’expriment le plus en public, pour ouvrir et lancer les débats parmi les étudiant-e-s ?


La confusion des rôles et des pouvoirs

On oscille entre une pénalisation des actions étudiantes, qui se solde par une fin de non recevoir (classement sans suite de plainte par exemple), et des procédures internes à l’Université afin « d’emporter le morceau » malgré tout.

Le dossier avancé pour le conseil de discipline contient ainsi de nombreux éléments non réglementaires tels : des photocopies de main-courantes laissées sans suite par la Justice, des témoignages surtout indices du comportement de personnes qui se perçoivent comme persécutées ou agressées, et chargeant toujours les mêmes étudiant-e-s précis-es : celles et ceux qui s’expriment le plus en public, au Conseil d’Administration ou lors d’interventions dans les amphis.

En réalité la procédure engagée auprès du conseil de discipline viendrait alors précéder une instruction entamée au pénal et dont le procès est reporté au mois d’octobre, la Cour ayant estimé l’affaire « complexe » et « politique ». L’accusation à l’origine de ce conseil de discipline se met ainsi dans l’illégalité la plus complète, le civil ne pouvant légalement précéder le pénal.

A ces confusions et allers-retours entre Justice pénale et procédure intra-universitaire s’ajoutent de nouveaux rôles pour les agents. Etre un agent technique, rebaptisé cette année agent « sécurité incendie » dans notre université, implique aujourd’hui d’avoir délégation et responsabilité pour appeler la police à intervenir sur le campus. Auparavant, ceci relevait de la responsabilité exclusive de l’équipe présidentielle.

Cette nouvelle répartition des rôles raccourcit la chaîne de décision, ce qui supprime le temps de la réflexion, de la prise de recul et la possibilité de médiation via par exemple un-e responsable universitaire. Cela induit également une responsabilisation lourde pour les agents, favorisant par là-même une réactivité zélée, source de tensions dont l’unique issue est alors l’intervention répressive et extérieure.

Il existe par ailleurs une pratique d’arrachage ciblé des affiches politiques et syndicales collées sur les panneaux d’affichages autorisés.

De plus, dans le cadre de la plainte déposée en février 2007 contre trois des étudiant-e-s passant en conseil de discipline le 9 mai, un volumineux dossier interne à l’université a été versé à charge à l’instruction. Celui-ci comporte des noms et prénoms, ainsi que des photographies de militant-e-s, associés à différents tracts distribués, ce qui nous permet d’avancer qu’un fichage des militant-e-s existe bel et bien dans notre université. Certaines photographies sont d’ailleurs issues de captures video ciblées des caméras de surveillance du campus Porte des Alpes.

Or, dans la présente procédure disciplinaire, on retrouve des points qui révèlent la persistance de ce dérapage : « Je vous remets une clé USB dans laquelle se trouve le film pris par un surveillant lors des faits. Notamment ce X qui dirige ce groupe. » (Mr Chvetzoff). On remarque également, par des pièces déposées, une identification systématique d’un certain nombre de personnes précises, parfois simplement adhérent-e-s d’associations, syndicats ou organisations étudiantes.

Le fichage rentrerait-t-il dans les fonctions des agents de surveillance de l’université Lyon 2 ?

Rappelons que le « Décret n° 85-827 du 31 juillet 1985 relatif à l’ordre dans les enceintes et locaux des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel » n’autorise nullement la constitution de fichiers nominatifs, qui doit être obligatoirement soumise à l’accord de la CNIL.


Comment sortir de ces impasses ?

Les pratiques évoquées ci-dessus ne vont pas, selon notre opinion, dans le sens d’un bon fonctionnement de l’université. Nous pensons qu’elles peuvent également avoir un impact négatif sur son image. Les relations entre usager-e-s, personnels et Direction doivent reprendre un cours normal, permettre le dialogue mais aussi l’expression des désaccords.

Pour cela, le respect des libertés et de l’engagement public, notamment étudiant, doit être assuré.

Par ailleurs, l’organisation du travail devrait de nouveau différencier clairement les responsabilités de chacun-e. Notamment, l’appel de la police ne saurait relever que de la responsabilité de la Présidence. Cet appel aux forces de l’ordre ne pouvant constituer la réponse à toute contestation intra-universitaire : la négociation, le dialogue, la médiation, se doivent d’être réintroduits.

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