Etat des lieux du mouvement contre la LRU à la veille du lundi 19 novembre 2007

Le mouvement en cours
à l’université Lumière Lyon2 demande à être remis dans une perspective
d’ensemble. C’est ainsi que nous proposerons ici des pistes d’analyses qui
doivent nous servir à améliorer notre compréhension de notre propre mouvement.

 Surprise !

Pour commencer notons
comment le mouvement c’est constitué comme force de contestation à un rythme
accéléré. Dans une montée en puissance un première indice de la disponibilité
des étudiants pour une lutte de fond à eu lieu lors de  la 1er manifestation des cheminots ou
pratiquement 200 étudiants s’était retrouvé en manifestation.

Mais c’est aussi en
suivant le fil des ag qu’on peut remarqué cette disponibilité. Les ag sont
passé en très peu de temps de 50 personnes à 1500 personnes ce qui nous renvoie
au plus haut point de la lutte du CPE ou c’est ce dernier nombre de personnes
qui ont voté lors du déblocage de la fac.

Reprenons le fil des
AG, c’est lors d’une ag de près de 500 personnes à l’amphi G que le blocage à
pour la première fois été voté. On peut dire que ce vote à étonné dans la
mesure ou le blocage n’avais quasiment pas été évoqué dans les débats de cette
AG.

Prenant acte de la
décision de l’AG précédente, le lundi suivant, un bon nombre de personnes ont
mis en place le blocage de l’université. C’est durant cette même journée que
une AG de 1500 personnes à voté pour près des 2/3 Pour le blocage. La
proportion de votant à l’AG nous rappelle le CPE à sont plus haut point.

Dans ces conditions
nous devons interroger le pourquoi d’une participation aussi massive et rapide
à un mouvement concernant une loi votée 6 mois avant, en plein mois d’août.

Certainement un des
premiers aspects est de l’ordre d’une vie étudiante pas forcément rose. Etre
obligé de travailler pendant ses études, avoir des difficultés de logement,
manger des pâtes ED tous les jours, ne pas pouvoir soigner ses problèmes de
santé (cf études LMDE), etc, etc, etc. sont le lot de beaucoup
d’étudiant/e/s. Sur ce fond un mécontentement existe. Mais, contrairement à
l’UNEF majo qui s’arrête à ce constat pour tout expliquer, un deuxième aspect
fondamental est la conscience de devoir s’opposer à des choix politiques, à des
choix de société bien précis, mis en œuvre par ce gouvernement avec encore plus
de zèle que les précédents. En ce sens, Mme Pécresse a raison de constater le
caractère « politisé » du mouvement. Mais politisé face à ses réformes
tout aussi politisées, ce qu’elle tait. Ce deuxième aspect fait la différence,
et nous différencie de fait de toute une frange du mouvement syndical
notamment, qui reste pour l’instant dans une habituelle recherche de compromis
via des tentatives désespérées de négocier, alors que ce gouvernement n’a rien
à céder de lui-même. Ce gouvernement nous force à changer nos habitudes, ou à
tout perdre.

Du mouvement anti-CPE
nous avons appris : nous avons été cette fois-ci droit au but en bloquant
rapidement les campus, en constituant d’emblée des AG de grévistes, en faisant
voter le blocage pour plusieurs jours à la fois ce qui permet de discuter
d’autre chose en AG. Beaucoup d’errements ont été évités, et en une semaine de
mouvement, nous avons dépassé de nombreuses limites rencontrées lors du
mouvement anti-CPE. Depuis le mouvement anti-LMD, il existe une mémoire, une
cumulativité entre les mouvements : on ne repart pas de zéro à chaque
fois.

En revanche, il est à
noter pour l’instant la faiblesse de la participation lycéenne, alors qu’elle
était très importante lors du mouvement anti-CPE et que les lycéen/ne/s sont
concerné/e/s au premier chef par la loi Pécresse.

 

La contre attaque : le
prosélytisme anti-gréviste et ses alliés objectifs

Le gouvernement
privilégie, face à nos luttes sociales, une attitude de mépris et de
dénigrement.

Mépris : on n’a
rien vu, on ne répond à rien, hormis par du chantage à la reprise du travail
éventuellement. Dans tous les cas on attend que ça passe.

Cette attente n’est
pas passive. Au contraire, « on » s’estime suffisamment supérieur/e/s
pour juger à quelques personnes (ministres) de la légitimité d’un mouvement
massif et déterminé. « On » condamne le mouvement car il est
« politique » (Mme Pécresse). « On » s’inquiète pour ces
pauvres usager/e/s et étudiant/e/s, alors même qu’ « on » est
les auteurs de mesures qui ont précisément pour effet de léser ces personnes
(suppressions de services publics, suppressions de possibilités d’étudier,
etc). Tous ces procédés servent au gouvernement à se masquer lui en nous
montant les un/e/s contre les autres.

Il est relayé
efficacement par les média, qui atteignent à cette occasion le paroxysme de
leurs capacités partisanes. Le vocabulaire n’a plus rien de la neutralité
normalement exigible du journaliste : « usager/e/s pris/e/s en
otage », « terroristes » (pour qualifier des étudiant/e/s
occupant leur faculté), « grogne sociale » (nous ne savons que
grogner, pas parler ni lutter ?). A cela s’ajoute la conception de
sondages ad hoc (un sondage a-t-il plus de légitimité qu’un mouvement
social ?), ainsi que le crédit apporté uniquement aux chiffres fournis par
les instances dirigeantes (de la SNCF par exemple). On peut parler alors de
média prosélytes, à côté desquels l’ORTF de mai 68 fait pâle figure (mais nous
avions déjà eu un aperçu lors du référendum sur la constitution européenne).

Au niveau local, le
zèle anti-lutte sociale n’est pas moindre. Ainsi, pour Lyon 2, le média interne
que constitue le web étu (site web de l’université avec tribunes apparemment
ouvertes aux étudiant/e/s), est exemplaire.

Malgré des apparences
très libérales (allant jusqu’à mettre en première page certains de nos
compte-rendus d’AG … certains seulement), le web étu est avant tout « la
voix de son maître » : la voix de la Présidence de l’université. Ceci
de manière tantôt insidieuse, tantôt ouverte.

Ouverte : via les
différents communiqués de la présidence, dont le contenu est souvent infamant
pour le mouvement étudiant. Assimilé/e/s à des personnes qui empêchons le
débat, alors que c’est la présidence qui décide de fermer administrativement la
faculté. Assimilé/e/s à des sortes de voyous susceptibles avant tout de
dégrader les locaux, à aucun moment nous ne sommes nommé/e/s comme des
étudiant/e/s en lutte contre une loi destructrice pour l’université.

Insidieuse : via
la propagation de rumeurs auprès notamment du personnel administratif de
l’université. Rumeurs selon lesquelles nous aurions pillé l’université, ou
d’autres plus alarmantes et injurieuses encore.

Via également la mise
en place d’un vote électronique nominatif pour ou contre le
« blocage » de l’université, alors que ce dernier n’est qu’une des
modalités d’action de notre mouvement, et que ce vote électronique n’a pas plus
de sens qu’un vulgaire sondage d’opinion. En effet, faut-il apprendre à Mr
Journès et à son équipe la différence entre une agrégation statistique
d’opinions dont il peut de surcroît conserver les fiches nominatives, et un
processus de vote faisant suite à un débat contradictoire lors d’une assemblée réunissant
physiquement les acteurs/trices de ce débat ? Pourquoi ne communique-t-il
pas tout simplement, via le web étu, les horaires de toutes nos AG à l’ensemble
des étudiant/e/s, « pro » ou « anti » ? Pourquoi nous
parle-t-il de respect de la démocratie, alors que lui-même ordonne l’expulsion
par les CRS des étudiant/e/s qui, appliquant la décision de l’assemblée
générale du campus des quais, y organisent le blocage ? Quelles leçons
avons-nous alors à recevoir de sa part ?

Ce, d’autant plus que
Messieurs Journès et Chvetzoff, assistés d’agents techniques, organisent
l’évacuation en catimini des locaux associatifs du campus de Bron. Ceci sans
avertir les associations concernées, dont un certain nombre sont
(hasard ?) proches du mouvement. Nous n’osons imaginer, par ailleurs, que
ce vidage aurait pu être attribué ensuite aux étudiant/e/s occupant alors les
locaux de la faculté (des pillard/e/s, ce qui confirme la rumeur). Comment
nommer autrement ces actions qu’en les désignant comme des tactiques de sabotage
du mouvement ?

Pendant ce temps –là,
l’attitude des syndicalistes salarié/e/s (hors université) peut poser question.
L’adhésion d’une partie d’entre eux (y compris parmi les militant/e/s de base)
aux discours idéologiques dominants, en particulier sur « les
jeunes », induit des attitudes d’indifférence voire de dénigrement du
mouvement de lutte des étudiant/e/s. En se positionnant par exemple comme
« parent inquiet », ce qui nie les capacités des jeunes adultes à
être des acteurs/trices à part entière de leur lutte. Ou encore en pensant
confusément que nous ne serions que des agitateurs irresponsables exprimant un
« mal être adolescent » par des moyens destructeurs.

Ce type de stéréotypes
ne peut mener qu’à ce que les un/e/s poignardent, par de tels clichés, les
luttes des autres, au lieu de leur apporter leur soutien concret (ne serait-ce
que par des motions de solidarité).

La réalité est un
mouvement étudiant porteur de revendications clairement identifiées, et dont la
structuration peut être difficilement compréhensible pour des
salarié/e/s : les coordinations nationales, les assemblées générales, ont
chez nous une légitimité centrale du fait des spécificités du monde étudiant.

La réalité est aussi
un mouvement étudiant remarquablement conscient de la cohérence des attaques
gouvernementales, cependant que le corporatisme syndical souvent trop présent
selon nous dans le monde salarié, conduit par exemple à promouvoir
l’acceptation de négociations boîtes par boîtes, ou encore à souhaiter, avec
sympathie, « bon courage » à ceux/celles que l’on regarde passivement
lutter en attendant son tour. Cela s’avère catastrophique pour la satisfaction
des revendications de tou/te/s, car cela nous isole les un/e/s des autres, nous
laisse chacun/e seul/e/s face à ces attaques.

En ce sens, le
mouvement étudiant a probablement aussi à apprendre aux acteurs/trices plus
ancien/ne/s de la lutte sociale.

Enfin, du côté du
syndicalisme étudiant, les attitudes de gagne petits de certain/e/s ont
contribué à leur marginalisation aux yeux de tou/te/s. C’est ainsi que l’UNEF
majo suit le mouvement, regardée par les étudiant/e/s qui ont construit et
préparé cette lutte depuis la rentrée comme une organisation totalement
illégitime à les représenter.

L’UNEF majo, comme un
certain nombre de syndicalistes salarié/e/s qui se refusent à l’effort de
construire concrètement un mouvement de lutte, préférant négocier à blanc, font
partie de ceux/celles qui « ont déjà perdu dans leur tête ».

 

Un mouvement mâture

C’est la première fois
en France qu’une loi votée en plein mois d’août se voit contestée quatre mois
plus tard par un mouvement d’une ampleur propre à gagner.

Ce mouvement a, de
plus, dépassé dès son départ les limites propres au mouvement anti-CPE. Dans
son organisation interne (AG de grévistes, etc) et par l’immédiate remise en
route de la coordination nationale, mais aussi par sa radicalité immédiate et
ses liens avec les autres mouvements en cours.

Sa radicalité
immédiate : par le vote d’emblée du blocage comme mode d’entrée de lutte.

Ses liens avec les
autres mouvements en cours, notamment par la présence régulière tous les matins
de délégations d’étudiant/e/s sur les différents piquets de grève des
cheminot/te/s, ce qui renforce moralement la lutte des un/e/s et des autres.

Par ailleurs, il
existe une opposition quasi-unanime envers l’UNEF majo, au vu de ses prises de
position pro-négociation sur la loi Pécresse et défaitistes légitimant selon
eux/elles de ne même pas commencer le mouvement. Cette opposition ne découle
pas pour autant d’un antisyndicalisme qui était présent lors du mouvement
anti-CPE : les autres syndicats étudiants sont intégrés dans la lutte et
ses assemblées générales.

C’est, en outre, un
mouvement sans véritables « buros » (=bureaucrates) comme on les a
connu/e/s lors du CPE, où règne une bonne ambiance de lutte « tou/te/s
ensemble » et l’absence de main mise d’une quelconque organisation (les
organisations ont un rôle principalement technique).

Enfin, les mots
d’ordres et slogans font de moins en moins référence à la qualité d’étudiant/e
pour viser de plus en plus la contestation ouverte des choix politiques mis en
œuvre en tant que tels : du slogan « étudiant pas client » on
passe ainsi par exemple au slogan « abrogation de la loi Pécresse ».

Pour terminer, on peut
remarquer le contraste entre les rumeurs propagées et la réalité de
l’occupation, qui est devenue au fil des jours matériellement parfaite malgré
la confiscation d’une partie du matériel de cuisine par la présidence de
l’université lors de la mise à sac des locaux associatifs.

 

Perspective :  les épreuves qui attendent le mouvement

Nous n’avons pas
dépassé les clivages institutionnels. Il existe un différentiel entre les
personnels universitaires et les étudiant/e/s en lutte.

Les personnels
administratifs, mis sous pression par l’administration, sont pour l’instant
complètement en-dehors du mouvement contre la loi Pécresse, alors même qu’elle
les touche de plein fouet. Que penser de cette situation ? Ils/elles sont
de plus noyé/e/s par la présidence sous les rumeurs concernant notre occupation
des locaux, qui serait source de multiples dégradations matérielles.

Les enseignant/e/s se
font remarquer par leur absence depuis le début du blocage, attendant sans
doute que nous obtenions l’abrogation de la loi Pécresse à leur place ?

C’est après une
semaine de blocage de l’université que nous entendons parler d’une AG
d’enseignant/e/s le 20 novembre, dont l’optique serait de préparer des Assises
de l’université et des journées banalisées afin de faire reculer le
gouvernement « dans le respect des règles ». Malheureusement, c’est
oublier ou ne pas comprendre ce que les étudiant/e/s ont bien assimilé :
il n’y a rien à négocier durant la période actuelle. Seule une lutte déterminée
peut nous faire gagner ce qui constitue en réalité un bras de fer.

La ou nous en sommes
de la lutte nous pouvons dire que pour ce temps nous nous sentons vivants. Nous
en avons marre de notre quotidien au travail ou à la fac et ainsi la lutte
devient notre terrain d’épanouissement. Que ceux ou celles qui ne peuvent
entendre cela arrêtent de nous asséner leurs vérités étriquées !  Nous avons du plaisir dans cette lutte même
lorsque les flics interviennent car nous préférons avancer « tou/te/s
ensemble » pour nous construire un aujourd’hui de résistance, éloigné de
la résignation morbide du matin dans le métro. Et nous devrions nous sentir
coupables de cela au prétexte que nous nuisons à l’usager/e ? La
culpabilisation généralisée de tou/te/s ceux et celles qui refusent le
« travailler plus pour gagner … quoi ? », nous invitons à la
refuser.

Le problème majeur qui
nous attend est maintenant celui de l’isolement. Nous nous trouvons dans une
position ou les luttes en cours peuvent se terminer dès le 20 novembre sans aucune
suite unitaire… c’est le rêve du gouvernement et ceux/celles des syndicalistes
qui n’en ont pas conscience sont en train d’en creuser le lit.

Il existe un
différentiel entre les étudiants et les secteurs du monde du travail en
lutte : les modes d’organisation, la manière d’envisager une unité entre
ces luttes, ne sont pas forcément les mêmes.

Les un/e/s sont
prêt/e/s à terminer leur mouvement dès la satisfaction de leurs revendications
spécifiques, ce qui ouvre la porte à la fin de tout le mouvement et à ce que le
gouvernement revienne inéluctablement plus tard à ses projets les concernant,
dans un contexte encore moins favorable pour eux/elles.

Les autres cherchent à
unir les différents secteurs en lutte en remarquant que les revendications
spécifiques de chacun/e sont des conséquences des mêmes choix politiques
(privatisation, libéralisme, etc), et qu’il existe des revendications communes
fondamentales pour tou/te/s (franchises médicales, retraites, contrat unique et
casse du statut des fonctionnaires …).

Il existe aussi un
différentiel entre les secteurs professionnels mobilisés et ceux concernés mais
pas mobilisés hors de la journée du 20 novembre : nombreux/euses sont ceux
qui regardent encore ce mouvement de l’extérieur, alors même que beaucoup de
ses revendications les touchent également.

Les lycéen/ne/s
restent à impliquer, d’autant qu’ils/elles constituent une force difficilement
contrôlable, et déterminée comme nous voulons l’être et comme il est nécessaire
de l’être face à ces attaques.

Le blocage a été
« le » moyen d’action lors du mouvement anti-CPE. Il a alors mené au
succès.

Aujourd’hui, les
réponses y sont différentes : expulsions plus ou moins musclées par les
CRS, mise en cause via votes électroniques, journées banalisées, etc.

Il convient dès lors
d’être créatifs/ives nous aussi, et de savoir répliquer par une diversification
de nos modes d’action : ce n’est pas parce que le blocage tombe que la
lutte tombe. L’occupation avec débats, projections et information, en
alternance avec des re-blocages, est une des possibilités à explorer.

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